Depuis la création du blog, je n’ai pas encore eu l’opportunité de parler de « Nous, les femmes »… Non pas que le sujet ne me concerne pas… Celles et ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas la dernière à porter le flambeau de l’énergie des femmes dirigeantes ! … Il est vrai cependant que j’aime à penser que la mixité est meilleure conseillère que le silo…
Ceci dit, il m’était impossible de ne pas partager avec vous ma rencontre et mes échanges avec Géraldine Le Meur, serial entrepreneure dès l’âge de 23 ans, installée au cœur de la Silicon Valley depuis 2007…
Il y a quelques jours, Géraldine a publié un livre formidable : « Comme elles, entreprenez votre vie », livre mentor qui consolide les parcours de 30 femmes françaises représentatives à la fois de « qui nous sommes aujourd’hui » et de « qui nous voulons devenir » !
Dans cette période de transformation, l’enjeu de la place faite aux femmes dans l’entreprise, dans l’entrepreneuriat et plus largement dans notre société est clé.
Géraldine a quelques années de moins que moi, mais la même passion pour porter la parole des femmes et donner l’impulsion aux jeunes femmes pour qu’elles puissent librement et sans peur « entreprendre leurs vies », chacune à sa manière.
Lever les freins, donner la permission de l’ambition, transmettre l’énergie et l’envie de réussir… c’est à mon sens notre mission de mère envers nos filles. En tout cas, c’est la mienne envers ma fille Madeline, aujourd’hui brillante étudiante à Polytechnique, à qui je souhaite de trouver le bonheur et l’épanouissement professionnel dans un avenir proche.
Je remercie Géraldine et les 29 femmes qui ont contribué à l’ouvrage pour ce magnifique cadeau, le cadeau de l’ouverture d’esprit qui permet la construction d’un monde dans lequel les femmes ont une place privilégiée, y compris dans l’environnement professionnel.
Géraldine, peux-tu nous présenter ton parcours d’entrepreneure et surtout ce qui te tient à cœur, ce dont tu es la plus fière ?
Ce dont je suis le plus fière, ce sont mes 3 fils, c’est ce qui m’a beaucoup portée, car j’ai eu volontairement mes enfants très jeunes. Professionnellement, j’ai commencé dans l’entrepreneuriat très tôt, à la sortie de l’école de commerce : 1e agence web, une belle aventure puis avec mon ex-mari on a tout construit ensemble et nous sommes allés voir le sujet de l’hébergement de sites internet, nous avons importé en France ce qu’on appelle aujourd’hui le cloud et j’ai monté le plus gros réseau d’agences qui utilisaient mon service pour héberger les sites web (Rapid Site) puis nous avons revendu à Wanadoo.
On avait tout compris à l’entrepreneuriat, c’était la bulle internet et on a monté un start-up studio, on a mis beaucoup d’argent personnel pour créer une équipe pour faire naître les projets. On a levé beaucoup d’argent, mais ça ne s’est pas passé comme on le pensait… Il n’y a pas de baguette magique, et parfois le marché n’est pas là.
Ensuite, nous avons construit la partie EMEA de type pad. En 2004, on s’est rendu compte qu’il ne se passait pas grand-chose en France et qu’il fallait se tourner vers les US. Tout ce qui émergeait venait de là-bas à l’époque ! Nous avons donc décidé de monter le Web, et nous avons proposé à tout notre réseau américain d’y contribuer. Ils sont venus et le Web a grandi : la première année il y avait 200 personnes seulement pour la conférence, qui était en anglais !
En 2007, nous avons finalement décidé de partir au cœur du réacteur, aux US à San Francisco : c’était le bon moment pour la famille aussi.
J’ai pris Le Web à part entière et j’ai assuré de A à Z la production de cet évènement, ça m’a permis de construire un réseau entrepreneurial fort et de mieux appréhender aussi la Silicon valley.
On est arrivés aux US en crise, en 2007, avant l’I-phone !
Nous avons vendu le Web à Reed Midem et notre vie familiale a changé (divorce).
J’ai remonté juste après THE REFINERS avec deux co-fondateurs. J’ai levé un fonds modeste de 7M. de dollars.. Pour aider des entreprises à aller au global. On les accueille avec un programme de 3 mois à San Francisco pour leur ouvrir le livre de recettes de la Silicon valley, les mécanismes sur place et les aider à mettre les bons fondamentaux sur leur construction propre.
Moi, je conseille toujours de capitaliser des deux côtés, de se positionner plus tôt en « crossborder » entre US et France, car il est très difficile aujourd’hui de créer une start-up dans la Silicon Valley.
En plus quand on vient d’Europe, il faut désapprendre. Il vaut mieux avoir dès le départ les deux côtés. Aujourd’hui, je finalise mon aventure The Refiners et je cherche ma prochaine aventure !
Est-on entrepreneur ou femme entrepreneure ? Doit-on vraiment faire une distinction homme / femme pour entreprendre sa vie ?
Non, on est entrepreneur. Je pense que la distinction n’est pas nécessaire. La question, c’est plutôt celle des équipes, l’important c’est de savoir équilibrer la donne dans l’équipe, avec des femmes et des hommes.
Moi, j’ai fait le choix de l’entrepreneuriat pour des raisons personnelles plus que pour des convictions au départ : je voulais être maman et aussi gérer ma carrière.
Je ne voulais pas choisir entre les deux, et j’avais besoin de cette liberté et de ce confort psychologique qu’était pour moi l’entrepreneuriat. C’était la voie qui me convenait le mieux. C’était un levier dans l’organisation et la manière dont je concevais mon chemin.
Créer et diriger une entreprise innovante quand on est une femme, est-ce que c’est une chance ou un handicap ? Être une femme entrepreneure dans la Tech, est-ce difficile ?
C’est plutôt un levier en ce moment, il y a de la discrimination positive. C’est ce que je dis à toutes les jeunes femmes qui se lancent : profitez-en, il faut y aller à fond.
C’est peu valorisant de prime abord, c’est comme la parité obligatoire dans les boards, c’est assez terrible mais les premières femmes administratrices nous ont ouvert la voie.
C’est un atout aujourd’hui dans la tech d’être une femme : les portes s’ouvrent malgré elles ! On peut les forcer et avancer.
De plus en plus de femmes prennent le flambeau chez les investisseurs pour aider les femmes. La question n’est pas que les hommes ne veulent pas de femmes dans leur univers, c’est jusque que c’est une structure qui n’a été conçue que pour les hommes !
Une amie me disait par exemple récemment : « tu comprends, le système fait que les rencontres sont autour d’un whisky avec un cigare, il n’y a pas de polos pour les femmes au golf etc. »
C’est devenu un « Boys club ». La difficulté est qu’on ne doit pas non plus créer des girls clubs, tout en parvenant à imposer nos points de vue. Il n’y a que 5% de femmes qui sont CEO de leurs start-up et ce n’est pas normal. Même dans les grands groupes, on est encore loin. Ça augmente à marche forcée pour le moment !
Est-ce que les femmes se mettent dans leur vie professionnelle des freins psychologiques ? est-ce que ce fameux sujet bien souvent mis sur la table, de la confiance en soi, est en cause ?
C’est ce qui ressort beaucoup c’est vrai, dans mon livre sur les femmes. Avec des parcours différents, on retrouve les mêmes clichés, ancrés dans la réalité.
C’est là où on en est. On a des progrès à faire, ça passe pour moi par le mentorship, le fait de partager. Beaucoup de femmes sont aussi portées par des hommes mentors : cela peut nous questionner ! Pourquoi ce ne sont pas des femmes qui donnent confiance ?
Je crois aussi au fait d’apprendre à se faire confiance : quand je fais un choix, c’est le bon. Quel que soit le résultat !
Pour moi, il y a aussi ce sujet chez les femmes, qui consiste à apprendre à dire oui : on a cette tendance à vouloir être perfectionniste, il faut que tout soit bien, sinon on dit non !
« If you don’t play the game, you don’t win it », disent les américains…
Si on ne dit pas oui, on est dans le non et on n’y va pas !
Il faut aussi s’entourer, l’intelligence est aussi dans la capacité d’identifier les gens qui vont m’aider.
Avoir la volonté de sortir de sa zone de confort : la terre n’arrêtera pas de tourner ! Tu peux le faire !!
Si je dis : 3 piliers de l’ambition chez la femme : développement personnel, mentorat et réseau … es-tu ok avec ça ?
Pour moi, c’est en effet l’alignement avec ses valeurs : est-ce que je suis celle que j’ai envie d’être. C’est le cœur de la réussite : trouver son équilibre.
Il est vraiment important de ne pas nous mettre dans un moule et de ne pas se sous-estimer par rapport aux rôles modèles qui nous sont proposés, comme les belles mannequins photoshopées dans les magazines ! ça ne fonctionne pas ! On est d’accord…
L’idée c’est aussi : on est des femmes comme toutes les femmes, on a nos états d’âme.
J’ai du coup voulu mettre cela dans un livre, qui n’est pas séquencé en portrait mais présenté par thème, pour que chacune puisse se retrouver dans les témoignages.
Parlons justement de ce livre : de quoi s’agit-il exactement ? Est-ce une recette pour les femmes ?
Il n’y a pas de recettes, mais j’ai essayé en effet de donner les ingrédients de la recette. Il s’agissait de partager la réalité : regardez ce que toutes ces femmes ont fait. Chacune a fait des choix très différents. Nous sommes 30 à avoir témoigné dans l’ouvrage.
Aujourd’hui, on en vient à dire que si on n’est pas entrepreneure, on a raté sa vie !! Et c’est totalement faux, il y a de magnifiques parcours très différents.
Il y a la voie qu’on se choisit, on n’est pas obligées de viser la lune, il faut suivre sa propre petite étoile du berger, se réaliser avec son ambition personnelle !
Mon souhait est de faire prendre conscience aux femmes de leurs potentiels, quel que soit leur rêve. Il faut être bien dans ce qu’on fait, c’est ça qui est important.
D’où vient l’idée du livre ?
Un jour, lors d’une conférence, une éditrice est venue me voir pour me proposer de raconter mon parcours dans un livre. Je ne me sentais pas de raconter ma vie dans un livre !
Mais comme j’aime bien relever les défis, saisir les opportunités, dire oui, j’ai réfléchi quelques mois, et la petite flamme était allumée pour un projet : démystifier l’entrepreneuriat, interviewer des femmes de mon réseau. C’était beaucoup de boulot, ça m’a pris un an et j’ai été accompagnée, en mode start-up.
Ce qui a été génial, c’est l’authenticité et la profondeur de champ qu’on a eu dans les interviews. On s’est toutes rendues compte que tout est devenu très personnel et très intime. J’ai beaucoup apprécié l’épanouissement de certaines, comme Maëlle Gavet, la directrice des opérations de Compass.
Toutes les femmes qui ont contribué sont-elles françaises ?
Oui, toutes sont françaises, même si plusieurs sont expatriées ! Le scope culturel était important à préserver. Culturellement nous sommes très différentes des femmes américaines. On ne peut pas devenir comme elles. Elles ne sont éduquées de la même manière. Il faut appréhender ces différences.
Par exemple un premier RV est très facile à obtenir aux US, alors qu’à Paris il faut être introduit. Mais après, ça déroule plus facilement à Paris. Aux US, ils reçoivent tous les entrepreneurs, mais après c’est plus difficile.
Quelles sont les principales leçons à tirer du livre ?
Une leçon, un conseil : prendre un cap, de ne rien lâcher et ce côté apprendre à dire oui qui englobe : le syndrome de l’imposteur, sortir de sa zone de confort etc.
Il s’agit d’éviter de dire : non, ça va être compliqué… plutôt dire oui !
Quelle anecdote pourrais-tu nous partager, pendant la rédaction ?
L’anecdote, c’est sur l’authenticité. Au moment de la relecture, où chacune, nous avons pris conscience que nous étions allées loin dans les messages. Quand l’écrit arrive, l’interview n’est plus tout à fait la même. On y est toutes allées, sans aucune censure !
Il y a un vrai mouvement de sororité, une envie de partager, de donner et d’accompagner.
Ce livre est authentique ! On n’est pas dans les strass et paillettes. On s’est confiées, avec beaucoup de positif. Et pour moi, cela a été avant tout une très belle aventure humaine.
Merci Géraldine de cet échange en sincérité, et merci de ce bel ouvrage, véritable «guide mentor » pour les femmes. Un livre intime et personnel…
Vous avez des filles ? Elles doivent lire ce livre !
Vous êtes un père, un mari ? Je vous conseille aussi de le lire… pour mieux comprendre « le cœur des femmes »… et des entrepreneures !