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Quelles leçons tirer de ces startups qui bouleversent les codes ? Entretien exclusif avec Philippe Bloch

Nous en sommes tous convaincus, l’entreprise est entrée dans une période d’incertitude et de turbulence jamais égalée… Parlons-en avec un passionné de l’entreprise comme nous…

Si je vous dis : Bienheureux les fêlés, Service compris, Dinosaures et Caméléons, Merci et bravo, Ne me dites plus jamais bon courage, Tout va mal… je vais bien !… Est-ce que ça vous parle ? et maintenant : Startup Academy ?
Oui, Il a écrit tous ces livres plus engagés et engageants les uns que les autres !

Il est entrepreneur, fondateur des fameux Columbus Café, business angel, conférencier, animateur sur BFM Business… C’est un Slasher optimiste et un observateur incroyable du monde de l’Entreprise…

C’est un véritable plaisir d’échanger avec Philippe Bloch et de se questionner sur l’avenir de l’entreprise… Et un vrai bonheur de partager cet échange avec vous !

Nous sommes conscients que l’entreprise traverse une période de mutation inégalée : à l’aube de la 4e révolution industrielle, l’entreprise navigue dans l’incertitude. Mondialisation, accélération technologique, mutations culturelles, mise en cause des organisations traditionnelles, désengagement des salariés et quête de sens… Les dirigeants sont en tension permanente.

Dans ce contexte, quelles sont les recommandations de Philippe ?… Vivre avec son temps et observer de près ces nouveaux entrepreneurs qui changent le monde, ces nouvelles entreprises qui bouleversent tous les codes : les startups !

Dis-moi Philippe, c’est quoi une startup pour toi ? Parce que, d’expérience, je sais qu’on ne parle pas toujours tout à fait de la même chose, entre innovation et levées de fond à la chaine !…

 En fait, il y a 1000 façons de définir une startup !

Pour certains, une startup est financée par ses investisseurs et elle devient une entreprise quand elle est financée par ses clients.

Pour résumer l’essentiel de ce que la startup représente pour moi : ce sont des structures plutôt jeunes (pas forcément au sens de ses dirigeants), souvent surgies de nulle part, qui acceptent l’incertitude dans un monde en mutation accélérée, et qui trouvent des solutions originales.
Elles sont obsédées par le client et imaginent de nouveaux usages, auxquels les grands cerveaux des grands groupes n’ont souvent jamais réfléchi !

Une startup est donc pragmatique, agile, elle accepte l’échec (elle se plante tout le temps, mais très vite), elle vit dans l’incertitude permanente, elle ne sait pas toujours où elle va.

Un point majeur aussi, c’est qu’elle a une vision. Une vision généralement très ambitieuse, voire parfois trop ambitieuse au regard des résultats. La startup veut changer le monde.

Pour moi les startups sont aujourd’hui les principales forces d’innovation de l’économie dans le monde. Elles ont une influence décisive sur la façon de gérer l’entreprise, de la diriger.

Si beaucoup sont des échecs (9/10 échouent malheureusement), celles qui réussissent changent vraiment le monde et bouleversent le paysage. Et en plus, c’est un phénomène mondial, qui est plutôt récent ! L’explosion technologique phénoménale fait qu’elles ont des outils d’accélération uniques. Rends-toi compte : 7 des plus grandes valorisations boursières d’aujourd’hui étaient des startups il y a 20 ans !  Amazon ne date que de 1994… et avec Apple elles valent l’équivalent du CAC 40 !! C’est un phénomène extraordinaire d’accélération, unique dans l’histoire de l’humanité.

Et on peut soit en profiter… soit en mourir !

Est-ce que les startups révolutionnent l’entreprise, à ton avis ?

En fait, assez rarement : les vrai startuppers se lèvent le matin avec cette idée sincère en tête : « je vais changer le monde ».. Mais ce n’est pas important qu’ils le fassent  ou pas !

Leur vision est tellement inspirante, que c’est la seule chose qui ne changera jamais dans leur aventure, et la plupart de ceux qui ont réussi (prenons l’exemple de Jeff Bezos qui n’a pas changé ses convictions depuis 1997, alors qu’il a changé plusieurs fois de business) ont conservé leur vision au long cours.

C’est un problème majeur de la grande entreprise qui n’a pas de valeurs incarnées. Je me souviens de  ce dirigeant de grand groupe qui a dû appeler son assistante pour lui rappeler les valeurs de son groupe ! ça semble caricatural, mais ça existe. Les valeurs irriguent la startup, tandis que dans les entreprises classiques c’est souvent de l’affichage cosmétique, qui ne sert plus à rien.

Il faut y ajouter le management par les valeurs, qui est prioritaire. Tu peux mettre tous les process du monde, s’il n’y a pas de valeurs, ça ne sert à rien. Même si les startuppers sont idéalistes, ils sont sincères.

Les startups révolutionnent aussi l’entreprise avec un autre levier : elles sont toutes « customer centric » !

J’en ai rêvé il y a des années, quand j’avais écrit « Service compris »… les startups l’ont fait…

Elles ne pensent que clients. Elles se fichent de la technologie, mais s’occupent de l’usage qu’elles vont en faire ! C’est la différence avec les grandes entreprises. C’est la véritable révolution. Elles arrivent à combiner la technologie et le pragmatisme, c’est une vraie rupture.

Comment peut-on faire le lien entre les startups et la transformation digitale des entreprises traditionnelles (PME ou grandes entreprises), qui est encore un vrai sujet de préoccupation dans notre pays ?

Les grands groupes ont un enjeu majeur : lever l’obstacle majeur à la numérisation, que représentent les gens en charge des SI dans l’entreprise !

Certains services informatiques rendent toute action digitale complexe, tout projet mobile impossible à mener. Nous sommes encore dans un fonctionnement en silo, c’est une aberration complète à notre époque !

Je rencontre souvent des dirigeants de grandes entreprises qui m’avouent ne plus supporter leur propre fonctionnement. La startup est naturellement dans une fluidité de décision, d’ouverture, de communication qui change totalement la donne.

La transformation numérique n’est pas un enjeu informatique, mais un enjeu de transformation de l’entreprise, qui va obliger les organisations à se remettre en cause.
Il faut absolument que les groupes s’ouvrent aux écosystèmes pour aller plus vite. Etre capable de tester, de pivoter rapidement, c’est nécessaire aujourd’hui.

Oui, tu as raison, dans les grandes entreprises, la prise de conscience est souvent lente en effet… souvent très loin des modes de fonctionnement des entrepreneurs audacieux que nous croisons dans les startups !

Oui, Les différences sont majeures : ce qui est intuitif dans les startups, doit être appris en grande entreprise.

Et y-a-t-il selon toi un lien avec les nouvelles générations ?

Je me demande parfois si aujourd’hui dans certaines entreprises, il ne vaut pas mieux être « jeune et sans expérience que senior et expérimenté.

« Les jeunes posent plus de questions à google qu’ils n’en posent à leurs parents » et c’est à prendre en compte !

Je soutiens par exemple de jeunes entrepreneurs installés chez Station F (Dear Muesli). Ils ont 450 potes qui les aident naturellement et ils ne se posent pas de questions, ils fonctionnent en réseau spontanément.

N’est-ce pas utopique de penser que toutes les grandes entreprises pourront apprendre autant ?

Ça l’est sans doute, mais elles n’ont pas le choix. L’avenir décidera pour elles. Regarde, la Grande récré est en dépôt de bilan et ce n’est que la première d’une  d’une longue série à venir.

Carrefour, leader de la distribution, ne va pas bien non plus. Qu’est-ce qui se passera quand Amazon achètera Carrefour et en fera une boite omnicanale ?

Rappelons-nous de Nokia, qui était leader en 2007 avec 60% de parts de marché et en 2010 avait disparu. L’image de l’incendie sur une plateforme en Mer du Nord est intéressante : il y a le feu, on n’a rien vu venir, on n’a rien compris et on n’a pas été capables de se jeter à l’eau !

Aujourd’hui, toutes les boites sont menacées. Aucune ne peut dire qu’elle fera le même métier dans 5 ans, avec la même technologie dans le même environnement concurrentiel. De plus en plus se mettent en mouvement, mais il faut vraiment accélérer.

Le vrai sujet est d’allumer le feu, mais pas trop : mettre la pression (comme GE qui disait : si on n’est pas n°1 dans un métier, on arrêtera l’activité)… mais ne pas tétaniser les équipes non plus.

Il y a urgence à agir. C’est long de changer les mentalités, alors que tout bouge autour d’eux rapidement.

Regarde l’histoire de Netflix, fantastique ! la plus belle boîte du moment ! la manière dont ils gèrent les data… et dont ils ont transformé l’entreprise :

C’était une boite qui louait des DVD, le type a senti le vent du streaming, est arrivée la data… et Netflix a saisi la chance : il pèse plus que la production d’Hollywood !

Et le festival de Cannes, en face, perd chaque année de son influence car il refuse les productions Netflix. Ça fait réfléchir.

Tous les métiers peuvent mourir demain.

Penses-tu qu’il y a un lien direct entre l’innovation et la manière dont on manage les équipes ?

Oui, c’est certain. Il faut « échouer souvent, mais vite » : vivre avec l’échec, comme une constante. On dit : « Fail fast and fail forward ».

La capacité à pivoter devient incontournable : Certains ont changé de métier 5, 6, 7 fois ! mais ils n ‘ont pas changé leur nature, leur vision.

Le lien majeur entre innovation et management, c’est de ne jamais dévier de sa vision (pourquoi on est là le matin ?) et chaque matin s’aligner sur cette vision pour avancer.

Le 2e élément clé, c’est le MVP, le « minimum viable product ».

Dans les grandes entreprises, les experts mettent 10 ans à accoucher d’un produit qui n’a plus de modernité quand il est et est souvent trop compliqué…

La startup, elle, fait le produit minimum, et elle ajoutera ensuite en fonction des allers retours avec les clients. Et elle va construire un produit fondamentalement nouveau.

Tous ces nouveaux ingrédients majeurs font changer le management ! Le fait d’accepter l’échec, ça veut dire accepter l’initiative et arrêter le contrôle et la réunionnite.

Dans certaines grandes entreprises, les salariés ne supportent plus le volume de réunions. Il y même a des chiffres de Mc Kinsey qui disent que dans les entreprises du CAC 40, les réunions peuvent excéder la durée du travail hebdomadaire.

Une autre dimension majeure aussi, c’est le lean, la frugalité. Le regard décalé sur les choses. Quand tu n’as pas d’argent, c’est l’imagination qui prend le pouvoir. Les grands groupes sont encore trop riches pour libérer la créativité !

Et les limites de la startup ?

Globalement, quand la startup grandit, les hommes changent. Parfois il faut changer les équipes dirigeantes. Regarde le fondateur de Tesla ! Il est en plein burnout et à la limite du pétage de plombs malgré son immense talent.

Les startups sont rarement conduites par leurs fondateurs lorsqu’elle grandissent.

Il y a des caps managériaux qui sont importants. Ça pose des problématiques de niveau de compétences aussi.

Tout comme moi, tu parles d’intrapreneuriat et de l’importance à impulser cet esprit d’entreprendre dans les équipes (cf mon article : https://www.ambitieusepourlentreprise.com/innovation/lintrapreneuriat-levier-de-croissance-de-lentreprise-ou-effet-de-mode/)… est-ce que c’est pour toi une alternative majeure ?

Il y a une véritable envie. Trop de salariés pensent qu’ils sont inutiles dans l’entreprise.

L’enjeu majeur, c’est le management et l’intrapreneuriat. Le management doit être facilitateur d’idées et pas contrôleur.
Je crois beaucoup à l’entreprise libérée, mais ça suppose un switch majeur vers la confiance. Il faut bousculer les lignes hiérarchiques et accepter de rendre aux salariés leur liberté.
L’entreprise One Point en est un bon exemple : ils créent des communautés d’intérêt selon les projets, les intérêts personnels. Il n’y a plus de dépendance hiérarchique.

Ça vaut la peine d’essayer. Pour moi, le contrôle est plus coûteux de la confiance. Je l’ai pratiqué chez Columbus. C’est moins coûteux, moins stressant et les résultats sont là.

Entre le risque à avoir des mecs qui décrochent et le risque à ne pas le faire, je n’hésite pas.

Et je fais le pari que ça fonctionnera !

Dans une boite, il y a généralement 5 à 10% « d’erreurs graves de recrutement » (pour rester politiquement correct), qui sont là et ne progresseront pas. Ils seront contre tout de toute manière ; Tu as 5 à 20% de stars et le reste ne demande qu’à aller vers ceux qui parlent le plus fort. L’objectif est d’entraîner la majorité du bon côté.

Personnellement, je pense que pour cela, c’est d’abord au dirigeant de se transformer. Sinon il ne pourra accompagner la transformation de son entreprise… Es-tu en phase avec cette conviction ?

Oui, c’est un switch personnel du dirigeant en effet, tu as raison. C’est une pratique exemplaire qui doit être personnelle et permanente.

Il ne faut pas abandonner, quels que soient les premiers résultats. Par exemple chez one point, au début ça ne fonctionnait pas.

C’est plus difficile en grand groupe, c’est certain, car il y a un problème de volumétrie.

Ce qui est essentiel, c’est que le dirigeant doit incarner. La différence entre le startupper et le dirigeant de grande entreprise, c’est ça. Il doit incarner, par ses discours, son empathie, ses choix.

Se comporter en parfait alignement avec les messages qu’il souhaite porter. On est parfois encore loin en entreprise. Pourquoi apprécions-nous Edouard Leclercq ou Xavier Niel ? Parce qu’ils incarnent !

Le dirigeant doit être charismatique et incarner ses valeurs.

En conclusion, Il y a encore bien du boulot !

Quelques mots sur les data, que tu considères comme un vecteur de mutation majeur ?

La data est partout et change tous les métiers. C’est complexe car on ne sait pas toujours ce qu’on va en faire, quelle utilisation intelligente mettre en œuvre.

Les data sont la raison pour laquelle les GAFA sont devenues les géants du monde. Ce sont les plus grandes bases de données du monde qui alimentent l’intelligence artificielle, qui changent le monde.

Plus rien ne va leur échapper. C’est l’or noir du 21e siècle ! Il y a une valeur de la data. Une banque vaut plus par sa data que par ses agences bancaires.

Quand tu vois l’immersion de ces enceintes intelligentes dans nos foyers ; La data doit être une obsession, elle est partout et tout démarrer par cela ;

Elle est au cœur de tout. Un business sans data n’est plus un business, elle révolutionne le monde entier. Et il ne faut surtout pas croire que c’est juste réservé aux startups. C’est majeur. Il faut être autant data centric que customer centric.

On considère encore trop que c’est un truc d’informaticien. Sans compter qu’elle permet de créer des besoins qui n’existaient pas ! elle est préalable à la réinvention du modèle.

Une dernière question Philippe :  s’il fallait n’en retenir qu’un, quel ingrédient tu conseillerais au dirigeant qui veut transformer son entreprise ?

Je ne retiendrai que l’intrapreneuriat : se dire que le plus beau des défis est de permettre aux gens de comprendre à quoi ils servent et de leur confirmer qu’ils sont utiles.

Cette envie de liberté, d’indépendance, de sens, est un enjeu majeur de notre époque.

Mon objectif : donner aux dirigeants l’envie de transformer leurs salariés en intrapreneurs !

C’est la vraie clé. Un de mes plus grands plaisir chez Columbus, ça a été le nombre de personnes qui sont partis pour créer des boîtes, qui ont partagé mes convictions sur l’importance du client etc.

Oui, faire grandir l’autre, c’est génial.

J’adhère aux propos de Jean-Dominique Sénard (Michelin) : « si on néglige l’humain, on se prépare un avenir infernal ». C’est la priorité, et le véritable enjeu.

 

Nous partageons clairement cette conviction ! Merci de tout cœur Philippe, pour cet échange en confiance.

Tout comme moi, vous avez été passionné par la vision de Philippe Bloch ?

Je vous invite à lire sans attendre son dernier livre « Start Up Academy », un guide intelligent utile à toutes celles et tous ceux qui exercent une responsabilité en entreprise, quelle que soit sa taille !

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